 | The Backdoorman
8 Sep 2005, 7:58 | Tanger, le 15 avril 1971.
Cher Michaël,
Nous sommes arrivés à Tanger cette nuit. Savais-tu que Bob Dylan écrivait dans Blood on the Tracks : "If you see her say hello she might be in Tangier ..."? Je continue à remplir des carnets et à impressionner de la pellicule avec un sentiment d'urgence, comme si le temps m'était compté. Cette angoisse me tord les tripes et prend le dessus sur tout le reste. J'en oublie parfois de picoler pendant des heures entières! Pour l'instant, je n'ai pas de projet bien arrêté mais je retiens ta proposition de faire le tri ensemble dès que nous nous reverrons à L.A. ou ailleurs.
A la terrasse d'un restaurant, j'ai griffonné:
Jours sinistres et grands, chaque colère, chaque prière nous montre que les coups, quand ils sont bien donnés, valent autant que des mots jetés à la figure. Oui, j'en conviens, j'ai à la place du coeur un noeud de vipères que rien n'a jamais pu délier. Méprisé de mon vivant, j'ai grandi par inadvertance. Oui, j'avoue avoir pris à mon compte toute la science et toute la force disponibles sur cette terre. Voilà pourquoi aujourd'hui, je vois haut et loin, plus grand d'une tête que n'importe qui! Mon corps est à nul autre pareil: souple, mince des flancs, large du torse. Hélas, malgré un combat de chaque instant, l'image s'est usée à la surface du miroir! Hélas, les rêves finissent toujours par s'épuiser dans la plus grande confusion! Car l'heure va sonner où, sous l'énorme poussée, s'écrouleront les orgueilleux palais de la vie que je gâche.
A bientôt. Nous rentrerons à Paris dans une dizaine de jours.
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